AVANT-PROPOS.
Ce site est un projet. Ce projet est né d’un manque. Celui de questionner, de tisser des liens entre les visions du monde décrites en littérature, les pensées d’auteurs, de poètes ou d’essayistes et la vie, celle qui se joue ici et maintenant quadrillée dans un présent déjà passé, parée des plus beaux habits du futur.
D.É.L.I.É.E est aussi né d’une perte. Celle de l’innocence, cette forme de naïveté humaine à la fois paisible et intranquille. La nôtre a longtemps été protégée par l’enfance des mots, de l’enfance infinie du temps.
Après ce constat, il semble difficile de s’arrêter là, D.É.L.I.É.E a donc accouché d’idées. Ou plutôt de pensées. La première étant d’expulser de nos ventres de femmes à l’orée de la trentaine, la violence du Verbe. Nous l’imaginons comme un cri dressé contre l’apathie et le désespoir de l’homme ou telle des battements servant de truchement entre nos corps et son environnement.
“Elles se mirent à parler tant elles étaient pleines du besoin de dire”.
Dans Sula, son deuxième roman publié en 1973, l’écrivaine afro américaine Toni Morrison campe des personnages féminins qui se trouvent être des hors-la-loi en puissance. Leur désir de liberté, leur besoin de délivrance et de lutte contre l’ineffable ou toute assignation apparaissent tels des motifs de culpabilités.
Le personnage éponyme, Sula, est celle qui porte le fardeau (ou devrait-on dire flambeau ?) de ce destin pour toutes les autres. Sans doute parce qu’elle n’a pas su canaliser ou apprivoiser, ce que nous avons nommé plus haut, la violence du Verbe. Cette forme d’intelligence du dire marié à l’art de l’Imagination. Cet autre versant du travestissement de la parole en un langage créatif.
“Ainsi, comme tout artiste dénué de moyen d’expression, elle devint dangereuse”, écrit celle que l’on décrit comme l’une des premières femmes noire à recevoir le prestigieux Prix Nobel de littérature, au sujet de son personnage féminin aux contours controversés.
En plein débat sur la nécessité ou non pour les femmes victimes de violence, de parler, on se prend à penser que rien n’est plus mortifère dans nos sociétés qu’une conscience muselée dans un morne silence, qu’un fracas de paroles qui suffoquent dans la nuit.
RÉCIT.
D.É.L.I.É.E se présente comme une posture, comme une tentative de raconter ce que l’on connaît, interroger ce que l’on ne connaît pas du monde et de l’humain avec tous les sens et les non-sens de l’Imagination. Voilà la deuxième idée-née !
En littérature, l’Imagination puise sa force dans les images, les sensations et les rêves. Elle est une passerelle entre le visible et l’invisible, entre les mots et le coeur qui les entend mourir, un monde à part fait de Correspondances. Entreprendre cette expérience, cette épreuve de déliter les corps littéraires
(les livres), de les faire s’entrechoquer avec l’inattendu, l’interdit nous est apparues évident.
Avons-nous petites passé un pacte avec les histoires ? Ou sont-elles, celles qui ont pris les commandes de cet accord?
Avons-nous été enfants, des Lila et Elena en puissance, les deux héroïnes de l’écrivaine italienne Elena Ferrante ?
Avons-nous, comme ces personnages fusionner nos vies d’avec celles peintes de l’autre côté du miroir?
Les portes de l’Imaginaire sont à nouveau ouvertes pour ces deux corps, pour ces deux êtres repus d’avoir ingurgité un amas de lettres à l’intérieur d’une chambre particulière mais lumineuse, grâce à la complicité vacillante d’une ampoule trop usée, ce troisième oeil fatigué, attentif à la rencontre entre le réel et le rêve.
D.É.L.I.É.E ambitionne de porter un autre regard sur ce que la littérature, cette “vie réellement vécue” pour reprendre les mots de Marcel Proust révèle et tait de notre époque, d’hier, des sentiments, de la peur, des femmes, des hommes, des heurs et folies de ce monde, des ambiguïtés et contradictions de nos sociétés.
ABSENCE-D’ÉPILOGUE.
Qu’est D.É.L.I.É.E, sinon une expérience de pensées imaginatives en mouvement ? Un essai de réflexions et de critiques au travers d’histoires personnelles,
de discours prenant d’assaut votre bouche ? Même si toute son entreprise réside aussi dans cette volonté de non-définition et de classement trop aisé,
il va s’en dire que D.É.L.I.É.E ne peut être que l’expulsion de la parole, non de la vérité.